Le truc qui m’a fait le plus progressé avec mon instrument
On avance à la guitare comme dans toute discipline : par palier.
Comme dans une enquête, c’est une nouvelle clé, un nouvel indice exploité à fond qui va débloquer une situation et permettre de passer à l’étape suivante. Au défi suivant. A la prochaine porte.
En plus de 25 ans de guitare, des « trucs » qui m’ont fait progressé et passer des étapes, autant vous dire qu’il y en a eu quelques-uns.
Je peux vous dire aussi qu’il y a eu des paliers qui ont duré très longtemps.
C’est ce qui arrive quand on ne trouve pas la fameuse clé, ou quand on ne la cherche pas…ou encore quand on ne la voit tout simplement pas, même quand elle est juste sous votre nez.
Mais ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui, c’est de LA clé qui m’a permis de franchir ce que j’estime être la plus grosse étape à mon sens (peut-être en découvrirai-je de nouvelles encore plus importantes plus tard).
Pour vous en parler, il faut d’abord que je vous raconte le palier le plus long de mon apprentissage.
Mon palier le plus long : 10 ans de stagnation
Ayant commencé la guitare à 6 ans, la technique et la dextérité n’étaient plus un problème à 15. Je pouvais techniquement apprendre et jouer correctement à peu près n’importe quel morceau. J’avais également une bonne notion instinctive du rythme et du groove.
En revanche, vous me mettiez en jam session sur une grille inconnue et c’était la sueur au front que je partais en improvisation au culot et à la confiance en mes plans types, mon vocabulaire et mon oreille.
Et pour peu qu’il y ait un accord étranger ou une modulation dans la grille et c’était la fausse note obligée.
Quelle frustration alors de se sentir paumé, dépassé par les accords qui défilent trop vite et de ne pas savoir comment les honorer. Ne pas être dedans. Ne pas être dans le Flow.
Commencer des phrases intéressantes et ne pas être capable de les articuler sur plus d’une mesure.
Ne pas être certain de la prochaine note et prier pour qu’elle soit juste.
Bender au dernier moment pour rattraper le coup comme on peut.
Alors quand le dernier accord arrive, et que le groupe conclut, la gorge est sèche, les jambes tremblent, le palpitant est à 180 BPM, et on rouvre les yeux dans le monde réel après un trip épique, avec un mélange de soulagement et de frustration intense.
Cette période là a duré très longtemps dans mon parcours de guitariste, même après en avoir fait mon métier (on peut être pro sans être spécialiste en impro) et il a fallu que j’entre en formation au conservatoire pour enfin oser mettre les pieds dans le plat et obtenir cette fameuse clé.
Sans plus de suspens, de quoi s’agit-il ?
La clé : connaître ses tonalités avec les altérations à la…clé
Alors cette fameuse clé, quelle est-elle ?
Et bien sans mauvais jeu de mots (ou plutôt si, avec un très mauvais jeu de mots assumé), il s’agit simplement d’avoir appris mes clés.
D’avoir appris mes tonalités.
D’avoir appris et compris l’ordre des dièses et des bémols qui les caractérisent.
D’avoir compris ce qu’était le cycle des quintes et comment s’en servir.
Bref, d’avoir accepté que tout guitariste que je sois, je n’en restais pas moins un musicien et que cette théorie pouvait m’être extrêmement utile, vitale même, en pratique.
Alors pourquoi ça ?
Vous le savez sans doute, mais quand vous devez improviser ou composer, vous utilisez des tonalités ou des modes issus de ces tonalités, c’est à dire des réservoirs de notes qui vont constituer votre matière première.
C’est de cette matière première dont sont issus les accords de votre grille, et c’est en jouant avec cette matière que vous allez donner vie à votre improvisation ou votre composition.
Or, et je suis sûr que vous le savez aussi bien que moi, les guitaristes ont généralement une connaissance extrêmement limitée du fonctionnement et de la nature de ces tonalités.
Quand il s’agit de jammer et que vous demandez la tonalité pour vous préparer, la seule chose qui vous intéresse généralement est de connaitre la tonique de la tonalité et de savoir si c’est mineur ou majeur pour pouvoir sagement recomposer vos positions de pentatoniques…Et en avant Guingamp !
On est d’accord 😉 ?
Le réservoir de notes précis à votre disposition vous importe peu dans le détail tant que vous connaissez vos positions.
On a tous fait ça, et ça fonctionne à peu près. Du moins tant qu’il n’y a pas d’accords étrangers ou de modulation. Et c’est sans parler du fait de réduire votre vocabulaire à votre pentatonique sans voir toutes les possibilités qui s’offrent à vous.
Mais c’est précisément parce que vous ne connaissez pas les notes sur votre manche et parce que vous ne savez pas si le Fa est dièse ou bécarre dans la tonalité de Ré majeur que vous faites des fausses notes dans vos improvisations.
Alors concrètement, comment la connaissance des tonalités et des altérations à la clé permet-elle de se libérer ?
Les tonalités : positions vs clés
Quand vous vous reposez sur des positions de gammes (majeures, mineures, pentatoniques etc), vous vous en remettez à des formes. C’est pratique, c’est utile, et ça le restera même après avoir appris vos clés.

Les positions de gammes à l’aveugle
Mais si une modulation intervient, il vous faut recomposer rapidement ces positions à partir de la nouvelle tonique.
Concrètement, cela a souvent pour effet de casser et d’appauvrir votre phrasé parce que vous cherchez cette nouvelle tonique sous les doigts alors que vous veniez peut-être de finir une phrase qui en était éloignée.
Sans parler du fait qu’il est malvenu de commencer systématiquement ses phrases par la tonique, cela vous met en difficulté, au bord de la fausse note, et parfois c’est le pain.
Quand vous connaissez vos clés et les notes sur le manche, vous savez précisément avec quel réservoir de notes vous jouez.
Si votre grille est en Ré majeur par exemple, vous savez que Fa et Do sont dièses. Autrement dit seulement deux notes de différence avec Do majeur qui est la gamme de référence puisque sans aucune altération (dièses et bémols).
Donc dans mon exemple, si une modulation intervient, au lieu de vous reposer sur cinq positions de gammes à recomposer en panique, vous faites juste attention aux notes différentes entre les tonalités de la grille.
Si la grille commence en Ré majeur et module en Do, je veillerai simplement à jouer les Fa et les Do bécarre (ni dièse ni bémol) pour me conformer à mon nouveau réservoir de notes.

Différences entre Ré majeur et Do majeure : seulement 2 altérations d’écart !
Cela donne un grand sentiment de liberté et permet de fluidifier son phrasé. Vous naviguez entre les tonalités.
Si ma dernière note à la fin de la partie en Ré majeur était un Fa#, je vais pouvoir bien faire entendre la modulation en Do en jouant le Fa bécarre juste après au lieu de me demander où est la tonique de la nouvelle tonalité pour recomposer mes positions.
C’est aussi simple que ça.
Mais si la solution est en apparence si simple, pourquoi sommes-nous si nombreux à passer à côté pendant si longtemps ?
Les raisons pour lesquelles vous passez à côté #1 : le temps

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La première raison à mon sens est le temps. Votre temps de jeu quotidien est limité et vous pensez qu’il vous sera plus rapide d’apprendre des positions de gammes que d’apprendre vraiment ce qu’est une gamme avec les notes qui la composent.
La réalité, c’est que si vous êtes féru de guitare et que vous êtes parti pour en jouer pendant des années, il vous sera bien plus utile d’apprendre les notes sur le manche et les tonalités que de rester coincé dans vos positions. Même en jouant seulement 30 minutes par jour.
Les raisons pour lesquelles vous passez à côté #2 : la théorie vous fait peur

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La deuxième raison, c’est qu’apprendre la théorie vous semble une montagne. Quand on ouvre un bouquin d’harmonie, on a vite l’impression qu’il faut avoir fait Polytechnique pour comprendre tout cet univers avec tous ces termes techniques.
La réalité, c’est que pour apprendre vos 12 tonalités, il suffit de comprendre deux choses :
- la construction d’une gamme majeure
- l’organisation des altérations (dièses et bémols) à la clé.
Quand vous aurez compris grâce au cycle des quintes que les tonalités se suivent dans un ordre logique avec une note différente à chaque fois (les tons voisins), vous verrez qu’il n’y avait vraiment pas de quoi avoir peur. En théorie du moins, car dans la pratique, vous aurez tout le reste de votre vie pour en explorer les implications.
Les raisons pour lesquelles vous passez à côté #3 : la théorie est souvent mal enseignée

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Si, j’ose le dire.
Disons plutôt qu’elle n’est pas assez enseignée en pratique et que les livres utilisent un langage trop académique pour le pratiquant qui cherche à se faire plaisir rapidement.
C’est comme votre prof de maths du collège qui vous explique que l’écart-type est la racine carrée de la variance sans vous montrer d’exemple concret.
Et puis pour les bouquins de solfège qui vous expliquent l’ordre des altérations à la clé, leur objectif est focalisé sur la lecture de partitions, et si personne ne vous montre les applications plus fun, on ne voit clairement pas à quoi ça sert.
Il est donc par conséquent extrêmement difficile d’avoir la « Big Picture » en tête et il est au contraire très facile de se noyer dans les informations sans savoir où on va. A ce petit jeu-là, on peut y passer des années alors qu’il suffit en réalité d’assez peu de temps pour comprendre les règles de base.
Bref, on pourrait étendre longtemps la liste des raisons qui vous font passer à côté de cet apprentissage mais les principales sont là et nous permettent déjà de conclure.
Conclusion
De toutes les prises de conscience qui m’ont fait progressé à la guitare, et en musique plus généralement, c’est réellement l’apprentissage des tonalités qui m’a le plus ouvert de portes.
Cela m’a apporté beaucoup de liberté et ouvert la porte de l’improvisation et de la composition.
Bien sûr il me reste énormément de travail pour jouer avec – une Vie en vérité – et ce savoir n’est pas une potion magique qui résout tous les problèmes en un clin d’œil, mais le voyage est beaucoup plus intéressant armé de ces outils-là.
Il n’y a pas un jour dans mon boulot de prof où je ne suis pas amené à en parler à mes élèves et à les accompagner sur ce chemin où je me suis moi-même perdu pendant des années, faute de lumière et de carte.
Pourtant c’est tout à fait accessible, même aux amateurs, et il n’y a nullement besoin de passer par un conservatoire pour apprendre tout ça.
C’est pour ça que j’en ai fait une mission quasi-évangéliste qui a débouché sur la création du Blog, de la chaîne Youtube et des formations en ligne hack-ta-guitare.
Sur ce, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter – selon une formule consacrée – une excellente gratouille !
Sam
Cet article participe au carnaval d’articles “LE truc qui m’a fait le plus progressé avec mon instrument « organisé par Roman Buchta du blog ouimusique.coach
Merci à toi Roman de m’avoir lancé sur ce sujet-là !